Pourquoi la contraception (d’urgence) appartient-elle aux soins de santé…

Aujourd’hui, un débat idéologique fait rage contre la proposition de limiter la dispensation de la contraception oestroprogestative (CO) et de la contraception d’urgence à un professionnel de la santé dans les centres de planning familiaux (CPF), pourquoi ?

Toute une série d’arguments sont émis…

L’accessibilité

Qu’est ce qui est le plus accessible ? 5000 pharmacies réparties de manière homogène sur le territoire ou les centres de planning familiaux concentrés dans les zones peuplées et accessibles seulement à certaines tranches horaires. La répartition, la densité et l’accessibilité des officines (via le service de garde 24/7) sont des facteurs améliorant l’accès à la CO et à la contraception d’urgence. Par ce biais, les mécanismes de remboursement  mis en place par l’INAMI sont également accessibles.

 

Une barrière financière ?

La grande majorité des pilules contraceptives recommandées par l’EBM sont gratuites sur prescription pour les jeunes femmes de moins de 21 ans, cela depuis 2004. Cette intervention financière de l’INAMI a été encouragée pour limiter le nombre de grossesses non désirées.  D’autre part, en Wallonie, un projet avait été étudié pour permettre sur base d’un document émis par le CPF la gratuité via les officines.

 

Les médecins dans les centres

Il est clair que la présence d’un médecin dans ces centres n’est pas constante ; les médecins généralistes sont en pénurie et leur statut au sein des centres de planning familiaux n’est pas optimal ; il en résulte une difficulté de recrutement des médecins dans ces centres. D’où la réaction négative à la proposition de la ministre.

 

Sans risque ?

Or, la pharmacovigilance nous informe des précautions à prendre pour ces moyens contraceptifs ; le risque thromboembolique est bien réel chez certaines catégories de femmes ; cela nécessite une anamnèse et un suivi rapproché. Lors de la prescription d’une pilule contraceptive, il est recommandé aux médecins d’évaluer la balance bénéfice-risque individuelle pour chaque patiente, de rechercher les facteurs de risque de thrombose (antécédents familiaux, tabagisme, hypertension artérielle par exemple) et d’assurer un suivi clinique surtout au cours de la première année de traitement.

D’autre part, les interactions médicamenteuses existent et il convient au préalable d’en faire l’analyse. Or la délivrance par les centres de planning ne permet pas d’entrer ces données, de les analyser et à l’heure de l’e-santé c’est franchement regrettable que cette possibilité ne soit pas offerte à ces femmes afin d’atteindre les objectifs de la contraception en toute sécurité. Rien n’est pire que de se croire protégée et de ne pas l’être en réalité. Il en est de même pour la contraception d’urgence, l’accès à l’historique médicamenteux est nécessaire et son analyse nécessite un niveau de compétences requis. Il existe via les pharmacies.

Le recours au dossier pharmaceutique (partagé) est essentiel, non seulement pour mettre en évidence des inducteurs enzymatiques (médicaments qui entrent dans la prise en charge de l’épilepsie, les personnes séropositives, atteinte de tuberculose, …) prescrits de manière concomitante mais également ceux que la personne utiliserait hors prescription (le millepertuis par ex.). Il existe d’autres interactions qui font intervenir d’autres mécanismes aboutissant à une diminution de la résorption. D’autre part, il existe des interactions d’ordre pharmacodynamiques qui aboutissent à une augmentation du risque thromboembolique.

Qui assume la responsabilité en cas de problème ?

 

Confidentialité

Ce dispositif de gratuité de certains contraceptifs va dans le bon sens. Il reste à compléter par la prise en charge de la prescription pour améliorer l’accès à la contraception des mineures qui ne souhaitant pas que leurs parents ou tuteurs soient informés qu’elles utilisent ce type de contraception. La liberté existe pour chaque citoyen d’accepter ou non le partage des données de santé, la révocation d’acteurs de santé est permise et les prestataires des soins, choisis librement, sont soumis au secret professionnel. Y a-t-il un réel problème ? Ou est-ce l’excuse qui sous-tend la prolongation d’une pratique illégale?

 

La contraception d’urgence

La contraception d’urgence doit être exceptionnelle ; elle ne doit pas devenir un moyen de contraception. Pour l’éviter, un suivi des dispensations est nécessaire. Mais également une information et une éducation plus personnalisée. C’est sur ce point que les pharmaciens et les centres de planning familiaux peuvent collaborer.

 

L’accès à la contraception et à la contraception d’urgence

Il est indéniable que l’accès à la contraception doit être favorisé. En 2013, une vaste concertation avait eu lieu, en Wallonie, entre les CPF et les organisations des pharmaciens sous l’égide de l’administration wallonne. Une méthodologie de travail avait été définie qui respectait la plus-value de chaque acteur et prônait une meilleure collaboration réciproque dans l’intérêt des femmes et de l’accès à la contraception, tout en garantissant la sécurité de ces femmes, la gratuité et leur éducation. Pourquoi ce modèle ne peut-il pas aboutir ?

La nécessité de passer par deux étapes : le CPF (avec un médecin pour la prescription) puis le pharmacien (délivrance)  n’est certainement pas un point faible dans le contexte de la pharmacovigilance actuelle et du nécessaire suivi de la prescription de contraceptif surtout la première année (facteurs de risques, signaux d’alarme, interactions,..) et de la contraception d’urgence.

La délivrance des moyens contraceptifs hormonaux par les CPF n’est pas dans ce contexte en adéquation avec une protection optimale des patientes utilisant une CO, puisque le recours au dossier pharmaceutique et au dossier médical tenu par le médecin traitant habituel ne sont pas possibles.

Pourquoi opposer les pratiques, pourquoi ne pas avoir une démarche rationnelle qui vise l’intérêt premier des femmes souhaitant une contraception ou une contraception d’urgence, pourquoi ne pas intégrer les acteurs autour d’une stratégie globale qui les respectent mais qui surtout améliore de manière globale l’accès à la contraception hormonale et à la contraception d’urgence en particulier ?

La ministre de la santé joue son rôle au regard des risques précités.

Et si nous laissions les débats idéologiques de côté et que nous remettions les acteurs autour de la table dans l’intérêt général ? Les pharmaciens sont prêts, les solutions ont déjà été proposées. 

 

Source: site APB 16-06-2017